L’infamie de Clodia Metelli

Clodia Metelli a vécu au premier siècle avant JC, une époque où la République romaine était contrôlée par une poignée de familles aisées, dont les querelles allaient bientôt conduire à la guerre civile et à la montée d’un empire. Clodia descendait d’une de ces familles, une branche de la lignée claudienne.

Son prénom était Claudia, selon la coutume romaine de nommer toutes les filles avec la version féminisée de leur nom de famille. Mais elle a changé son nom en Clodia en solidarité avec son frère, l’homme politique Publius Clodius Pulcher. L’orthographe simplifiée devait paraître moins aristocratique et ainsi gagner à Clodius le vote du peuple romain.

Bien que les femmes ne soient pas autorisées à voter ou à exercer des fonctions dans la Rome républicaine, Clodia est impliquée dans des relations politiques par l’intermédiaire de son frère Clodius et, après son mariage, par l’intermédiaire de son mari, un autre homme d’État Metellus Celer. De ce mariage, elle a acquis son deuxième nom, Metelli.

Son mari et son frère étaient souvent opposés aux questions politiques. Alors que Clodius était un défenseur du peuple, Metellus croyait que l’aristocratie, et non le peuple, devrait avoir le pouvoir à Rome. Défiant ses obligations d’épouse, Clodia prit généralement le parti de son frère dans ces disputes.

 Lesbia pleurant sur un moineau

Lesbia pleurant sur un moineau par Sir Lawrence Alma-Tadema (1866). Source de l’image : Wikiart

En 59 av.J.-C., le mari de Clodia, Metellus, mourut dans des circonstances mystérieuses. Elle ne s’est jamais remariée, mais se serait engagée dans un certain nombre d’affaires. L’une de ces affaires était avec un homme nommé Marcus Caelius Rufus, mais les deux se sont disputés lorsque Caelius s’est impliqué dans des relations politiques miteuses.

En 56 av.J.-C., l’État traduit Caelius en justice pour ses crimes. Les chefs d’accusation étaient la tentative de meurtre de Clodia Metelli et l’assassinat réussi d’un ambassadeur égyptien. Clodia serait un témoin à charge, témoignant qu’elle avait connaissance de la culpabilité de Caelius.

Cicéron, le meilleur orateur de son temps, était l’avocat de la défense de Caelius. Dans son discours, Cicéron a joué sur les stéréotypes sexistes pour convaincre le jury que Clodia avait contraint Caelius à avoir une liaison et ne faisait que maintenant des accusations parce qu’il l’avait rejetée. Cicéron dépeint Clodia comme promiscuité et dominante, tout ce qu’une femme romaine ne devrait pas être. Il l’a même comparée à Médée, une sorcière mythique et meurtrière. Pour gâcher davantage sa réputation, Cicéron insinua que Clodia avait une liaison avec son propre frère et qu’elle avait tué son mari. Les arguments ad hominem de Cicéron ont été couronnés de succès; Caelius a été acquitté.

La réputation de Clodia a gagné en notoriété grâce à la poésie de Catulle, un autre homme avec qui elle aurait eu une liaison. L’un des plus grands poètes romains de tous les temps, Catulle a écrit des poèmes qui ont tour à tour adoré et diffamé une femme nommée “Lesbia”, qui était évidemment un pseudonyme pour Clodia Metelli.

 Cattulus chez Lesbia

Cattulus chez Lesbia par Sir Laurence Alma Tadema. Source de l’image: Wikipédia

Dans les poèmes, “Lesbia” est le bourreau sans cœur de Catulle malade d’amour. Il écrit:

Vivons, ma Lesbia, et aimons-nous!
Et que les murmures des vieillards étouffants
ne valent pas plus d’un sou!
(Catulle 5.1-3)

Mais après qu’elle lui a brisé le cœur, Catulle expose sa luxure dans un poème à son autre amant, Caelius:

Caelius, notre Lesbia, cette Lesbia,
La Lesbia même que Catulle aimait
Plus qu’il ne s’aimait lui-même et toute sa famille,
Maintenant au coin des rues et dans les ruelles
Fait plaisir aux hommes distingués de Rome.
(Catulle 58)

Des poèmes comme celui-ci ont conduit les gens à croire que Clodia était promiscueuse et immorale. Pour de nombreuses raisons, cependant, les poèmes de Catulle ne peuvent pas être considérés comme des preuves historiques sur Clodia. Premièrement, étant poète et non historien, Catulle n’avait aucune obligation envers la vérité. De plus, son traitement de “Lesbia” semble être la réaction d’un amant rejeté, et sa grande émotion réduit la possibilité d’une représentation exacte de sa bien-aimée.

Dans le discours malveillant de Cicéron et dans les poèmes passionnés de Catulle, nous avons une caricature d’une personne, plutôt que la vraie Clodia. Les historiens récents, dans leur recherche de représentations plus impartiales d’elle, ont éclairé la correspondance personnelle de Cicéron, qui montre un respect mutuel entre les deux aristocrates et dément sa représentation antérieure d’elle comme débauchée.

Clodia Metelli a survécu à son mari, mort mystérieusement, à son frère, assassiné par une foule, et à Cicéron, exécuté pendant la transition chaotique de Rome de la république à l’empire. Dans sa vie, elle a été victime des attitudes malveillantes envers les femmes à cette époque de l’histoire, mais malgré des rapports trompeurs sur sa licence, sa réputation continue de défier les stéréotypes. Clodia refusa d’être reléguée à la vie domestique et fut une force active dans la politique de Rome. L’hostilité et la dérision qu’elle a subies de la part de ses hommes d’État contemporains témoignent de sa défiance face à la misogynie endémique.

Image en vedette: ‘Lesbia et son Moineau’, par Sir Edward John Poynter. Source de l’image: Wikipedia

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