Vous êtes condamnés à être libres

Simone De Beauvoir

” C’est dans la connaissance des conditions réelles de notre vie que nous devons puiser notre force pour vivre et notre raison d’agir.” – Simone De Beauvoir

Les idées de Jean Paul-Sartre pour son chef-d’œuvre existentialiste, L’Être et le néant, ont commencé à se former alors qu’il était détenu comme prisonnier de guerre en 1940. Après sa libération, il participe à la création d’un groupe de résistance clandestin avec sa compagne Simone De Beauvoir pour s’opposer à l’occupation nazie de la France.

Le Paris où travaillait Sartre était une “imposture” ; les bouteilles de vin exposées dans les vitrines étaient vides, tout le vin avait été emmené en Allemagne. On estime que 32 000 Français travaillaient comme informateurs pour les nazis. Les gens ont disparu du jour au lendemain. Leurs proches diraient que des officiers allemands “polis” étaient venus les chercher. Dans leurs appartements, vous trouverez des cigarettes allemandes écrasées. Les conversations au café étaient sur pilotis; les gens évitaient de parler de quelque chose d’important, de peur qu’ils ne reçoivent eux-mêmes une visite polie des occupants, ou “les autres” comme on les appelait.

Il convient alors que la liberté est absolument centrale dans la philosophie de l’existentialisme telle que définie par Sartre et De Beauvoir. Cependant, nous ne parlons pas d’une idée confortable de la liberté comme liberté de contrainte.

La liberté comme Sartre l’a compris c’est un aspect fondamental de l’expérience humaine qui nous cause plus de douleur que nous ne voudrions l’admettre (j’y reviendrai plus tard).

L’existentialisme est un défi qui nous est lancé, être courageux et embrasser la liberté au cœur de notre nature. Si nous le faisons, nous ne trouverons pas seulement un sens et un but dans nos vies, mais nous deviendrons également de meilleurs citoyens du monde.

Le couple de pouvoir de la philosophie : Jean-Paul Sartre et Simone De Beauvoir en Chine en 1955. Les compagnons de vie (qui entretenaient une relation ouverte) étaient devenus de renommée internationale dans les années 1950 et voyageaient beaucoup. Source : Wikipédia.

Pas de vrai Soi

Sartre a inventé la maxime la plus célèbre de l’existentialisme dans une conférence de 1945 (L’existentialisme est un humanisme):

” L’existence précède l’essence”

Notre compréhension de notre essence ou du “soi” est conditionnée à bien des égards par l’idée religieuse de l’âme. Autrement dit, “le soi” est une essence cachée de ce que nous sommes. Dans un langage occasionnel, nous parlons souvent de “notre vrai moi”, ou de notre “moi caché”, ou nous essayons de découvrir notre “vrai moi”, comme si le moi que nous sommes actuellement ne correspondait pas à celui qui est caché.

Sartre dirait qu’il n’y a pas de “soi” de base. Il n’y a pas d’essence à ce que vous êtes qui est là, en attente d’être découvert par vous-même ou par d’autres personnes. Ce que vous êtes est ce que vous faites. Vous créez et recréez votre essence à chaque instant à travers vos choix et les actions qui en résultent. Votre existence précède votre essence.

Le conseil du théologien et mathématicien Blaise Pascal du 17ème siècle pour les non-croyants était de se mettre à genoux et de prier. Dès qu’ils le feraient, a-t-il raisonné, ils seraient croyants.

Sartre aurait de la sympathie pour cette idée. Il n’est pas bon de penser à votre “moi” en tant que personne courageuse ou charitable si vous n’avez été ni courageux ni charitable dans vos actes.

Bien que nous ayons le contrôle de notre essence dans les actions que nous entreprenons, nous sommes bien sûr limités dans ce que nous pouvons faire. Je ne peux pas être le président du Brésil, par exemple, peu importe combien je pourrais vouloir être.

Nos circonstances ne nous ont peut-être jamais donné l’occasion d’être courageux ou charitables. Mais nous avons plus de contrôle sur notre essence que ce que nous aimerions souvent penser. Nous pouvons descendre en rappel un gratte-ciel ou faire du bénévolat dans une soupe populaire, par exemple. Ces tâches ne sont pas faciles, mais si vous voulez être courageux ou charitable, vous devez faire quelque chose. Sartre a écrit: “Vous pouvez toujours faire quelque chose de ce qui vous a été fait.”(Situations (mon accent))

Selon Sartre, il y a deux aspects fondamentaux de ce qui fait de nous ce que nous sommes et de la façon dont nous faisons des choix: “Facticité” et “Transcendance”, ces termes décrivent essentiellement votre vrai soi et votre nouveau soi.

Jean-Paul Sartre ne correspondait pas au stéréotype du philosophe reclus, c’était un militant passionné.

Facticité: Votre vrai Soi

La facticité est ce qui est fondamentalement vrai de nous à un moment donné. Dans un sens, c’est notre “vrai” moi statique, une collection de faits qui nous décrivent. Par exemple, je suis anglais, j’ai un permis de conduire, je ne possède pas de voiture, je vis à Londres, en Angleterre, j’ai les cheveux bruns (qui deviennent gris), je peux jouer de la guitare, mais pas très bien.

Ces faits pourraient continuer encore et encore, et il est possible qu’un instant donné, il puisse y avoir un inventaire exhaustif de faits me concernant qui décrivent ce que je suis à ce moment-là. La facticité, c’est nous comme matière inerte, comme “substance”. La facticité est aussi le fond dans lequel notre liberté existe et se limite.

Il n’y a rien que je puisse faire sur l’endroit où je suis né, ce fait est juste et ce fait peut restreindre les choix que j’ai dans ma vie. La facticité peut aussi carrément empêcher les choix. Par exemple, je ne pourrais jamais être un basketteur professionnel à cause de la facticité de ma taille.

Transcendance: Votre Nouveau Soi

Ce que la facticité ne prend pas en considération, c’est le potentiel. En tant qu’êtres humains conscients, nous avons le potentiel de changer notre facticité — l’inventaire des faits nous concernant. C’est parce que nous sommes plus ou moins libres de le faire. La seule fois où un être humain peut être une pure facticité, c’est lorsqu’il est mort.

Les êtres humains sont une pleine possibilité et la possibilité transcende la facticité par le choix. Bien que nous ayons un ensemble de faits sur nous qui sont vrais à cette seconde, nous avons toujours la capacité de changer ce que nous sommes, moment après moment. Par exemple, j’aurais pu décider que je courrai un marathon l’année prochaine; les faits à mon sujet viennent de changer.

Votre Vrai Moi et Votre Nouveau Moi Travaillent ensemble

La facticité et la transcendance sont interconnectées, nous ne sommes ni complètement ni l’un ni l’autre, et elles sont liées ensemble pendant que nous vivons nos vies: la transcendance est limitée par la facticité (par exemple, je suis trop petit pour être un joueur de basket-ball professionnel), et la facticité est recréée par la transcendance à chaque moment où nous faisons un choix (J’ai décidé de courir un marathon, c’est donc maintenant un fait que je m’entraîne maintenant à le faire un marathon). Ces deux aspects de mon être sont comme une double hélice en spirale vers le futur alors que je fais mes choix.

La facticité et la transcendance nous rappellent toujours que nous n’avons pas à être ainsi. Vous pouvez être mécontent de certains faits sur vous-même, la transcendance vous rappelle que vous pouvez changer cela. La responsabilité de savoir qui nous terrifie souvent, cela nous donne de l’angoisse. Il est rare de ressentir cette angoisse car le plus souvent, nous sommes distraits de l’angoisse par nécessité.

Nous devons nous lever le matin pour aller travailler par nécessité, bien sûr, mais le fait que nous travaillions 9 à 5 est finalement notre choix. La nécessité est donc une distraction superficielle de l’angoisse qui vient de la liberté. Alors, où nous cachons-nous lorsque nous sommes vraiment confrontés à nos propres décisions?

Mauvaise foi

Face à l’angoisse que nous pose la transcendance, nous nous réfugions dans une facticité excessive, nous essayons d’embrasser entièrement l’être objet. Sartre utilise l’exemple d’un serveur (Sartre écrivait probablement dans un café à ce moment-là). Le serveur se tient très droit, a affecté les manières dans son discours et il marche d’une manière particulière.

” essayant d’imiter dans sa marche la rigidité inflexible d’une sorte d’automate his ses gestes et même sa voix semblent être des mécanismes…. il joue à être serveur dans un café.” – L’Être et le néant

Sartre souligne que ce serveur joue le rôle d’un serveur, il se prive de son propre “soi” comme être de possibilités. Ce serveur parle-t-il et agit-il de cette manière lorsqu’il est parmi ses amis ou sa famille? Bien sûr que non. Il se réconcilie avec ce en quoi il a confiance comme meilleur moyen d’être serveur et de gagner de l’argent. Le mot clé étant “foi— – mauvaise foi.

Sartre utilise cet exemple extrême pour montrer que nous sommes tous sensibles à la mauvaise foi. Nous nous décrivons et faisons des proclamations sur ce que nous sommes pour nous objectiver pour les autres. Nous le faisons parce que pour vraiment prendre le contrôle de nos vies, il faut énormément d’efforts. La possibilité est l’angoisse, et la mauvaise foi comme moyen de l’exclure (pas seulement de nous en distraire).

Embrasser l’authenticité

Sartre a parlé d’une “éthique de l’authenticité”, mais n’a jamais vraiment intégré cette idée dans un système éthique qui pourrait expliquer une bonne conduite. Sartre croyait que la sincérité était le contraire de la mauvaise foi, mais la sincérité n’est ni intrinsèquement vertueuse, ni ne explique pourquoi nous entrons en première place dans la mauvaise foi. Sartre a eu du mal à rendre compte de la vertu.

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